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1 septembre 2014 1 01 /09 /septembre /2014 11:43
Winter sleep

 

Un film turc intimiste de 3h15 dans l'automne anatolien sur un écrivain raté et ses problèmes existentiels ? Cela pourrait ressembler à un sketch des Inconnus, et c'est pourtant la Palme d'Or de cette année à Cannes. Une grande partie de la critique crie au génie, certains à l'arnaque, qui croire ?

 

Peut-être peut-on commencer par admettre que nous n'attendons pas tous la même chose du cinéma. C'est l'effet le plus marquant du film de Ceylan, il explore jusqu'au bout une certaine idée de ce qu'est le cinéma, de son but, de son utilité. Une quête qui ravit ceux qui vont en salle pour sonder l'âme humaine et en comprendre les ressorts. Une quête qui laissera sur le carreau les autres, qui se déplacent pour vibrer, sortir de leur réalité, rêver.

 

C'est un écrivain, qui est aussi gérant d'hotel. Du fin fond de son Anatolie, il semble regner de manière débonnaire sur son petit monde : sa femme, sa soeur, ses locataires, ses employés. Content de lui. Satisfait de son existence. Jusqu'à cette pierre qu'un gamin jette con la vitre de sa voiture. Son univers se craquelle, et bientôt se désagrège : et si il n'était pas cet homme accompli et juste ? Et si il avait tout raté ?

 

A partir de ce moment, la mécanique dramatique s'enclenche, lente, très lente, mais impitoyable. Dans chaque ballade, chaque conservation, chaque soirée, chaque sortie, cet homme va voir progressivement son univers rétrécir, ses certitudes tomber les unes après les autres. Dans le foyer familial, dans son hotel, mais aussi dans son statut de propriétaire bourgeois face à une famille démunie.

 

C'est assez fascinant de voir la richesse incroyable du cinéma de Nuri Bilge Cylan, qui parvient à proposer des scènes exceptionnelles avec trois fois rien : une table, deux chaises, deux personnages en colère, des rancœurs. La simplicité absolue de certains dispositifs (champ, contre champ) n'est là que pour mettre en valeur les dialogues et ramener vers l'essentiel : une homme triste qui parle avec sa femme en colère, un riche avec un pauvre, un ami à un autre ami, un homme fier qui refuse un aumône, le regard noir d'un petit garçon humilié... l'humain, toujours  l'humain.

 

Là où le film est parfois dur à suivre, c'est dans son austérité formelle. Contrairement à son précédent opus qui était un exploit en clair obscur, pas de prouesse visuelle ici, plutôt de la grisaille et ces paysages tristes des plaines d'Anatolie. Cela reste beau, mais peut-être pas à la hauteur du reste, et le film souffre régulièrement de cette sécheresse visuelle.

 

Une Palme d'Or méritée, probablement, pour récompenser un artiste immense. Une expérience fascinante de cinéma, certainement.

Mais pas le même émerveillement de chaque instant que dans le fabuleux "Il était une fois en Anatolie"

Et une expérience à conseiller à ceux qui aiment prendre le temps, se laisser porter, se laisser faire.

Mais le voyage vaut le coup..

 

 

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