« Vous avez pas envie de mourir ? »
« Ben non ! »
« Mais votre vie, elle est pourrie pourtant ! »
Le ton est donné. Un homme à moitié bourré parle à son cancer qui lui vante les avantages de son action auprès de lui. Les échanges fusent, les vannes s’envoient à tour de bras, et on ne sait plus trop si il faut rire , pleurer ou s’enfuir en courant de ce monde de fous.
C’est une villa magnifique du Sud de la France, qui semble pourtant bien vide. Un écrivain noie sa déprime dans le vin blanc, et trimballe perpétuellement une bouteille avec lui dans un seau à glace. Sa femme l’a quitté, il ne voit plus son gosse et n’arrive plus à écrire. Il se croit désasbusé et cynique, il va trouver pire que lui. Une homme débarque de nulle part, c’est son cancer…
Bertrand Blier a toujours eu un style assez particulier, il ne déroge pas ici à la règle. Le bruit des glaçons est un curieux objet à mi-chemin entre le cinéma indépendant et le théâtre de boulevard. Du premier, le réalisateur a conservé une caméra et un montage parfois brutaux et secs, des personnages à fleur de peau et forme de liberté totale dans les comportements y compris dans la nudité et le sexe (filmé de très près…). Du deuxième, il a amené une unité de lieu, des acteurs qui surjouent jusqu’à hurler la moitié de leurs répliques et des poursuites un peu ridicules à travers les quatre coins d’une pièce de la maison. L’attelage est tout à fait étonnant, mais très réussi car si cette mise en scène peut gêner voir choquer, elle est en tous cas parfaitement dans le ton du récit. En effet, Blier n’en reste pas aux simples échanges entre l’écrivain et son cancer, il leur crée une véritable relation à deux, puis à trois quand la bonne de la maison entre dans la danse.
On parle beaucoup de la mort, un peu de la vie, beaucoup d’amour et d’occasions ratées. C’est ici que l’idée principale fait mouche : si cette mort est souvent taboue, c’est parce qu’on ne la personnifie pas. Ici, elle est partout, de la cuisine à la douche jusque dans l’initimité la plus secrète de l’auteur. Et malgré tout son dépit et son je m’en foutisme, il ne peut éviter de la regarder en face. C’est tout à fait grinçant, et souvent très drôle (il faut voir Dujardin raconter à son médecin sa journée à travers les bouteilles de blanc qu’il s’envoie…) même si le film n’échappe pas à quelques trous d’air. Derrière un Dupontel tellement évident en cancer désagréable et misanthrope, Jean Dujardin étonne en écrivain au bout du rouleau. Convaincant et plaisant, il fait presque oublier ses errements récents…
Bien sur, il faudra s’envelopper d’un grand drap de cynisme et de vulgarité pour apprécier le goût particulièrement amer de l’ensemble,mais quel plaisir de retrouver un film qui nous parle comme des adultes de la vie, de la mort et du désir...et qui se permet un pied de nez final aussi réussi qu'inattendu.