C'était le retour d'Eric Rochant, cinéaste rare et parfois passionnant. C'était le retour de notre jean Dujardin national dans un gros film. C'était une des productions EuropaCorp les plus ambitieuses de l'année, dans laquelle où nous entraîne dans toute l'Europe, en français, en anglais et en russe, histoire rassurer les distributeurs internationaux. A l'arrivée, on retrouve bien le thriller d'espionnage économique prévendu, mais ce Möbius s'écarte assez régulièrement des sentiers battus de la série Z si souvent empruntés par EuropaCorp, principalement grâce à l'oeil et la volonté d'un réalisateur dont la talent s'exprime clairement...par intermittences.
Monaco, années 2000. Le repère idéal pour une ex de Goldman Sachs déchue, qui continue à vendre des produits dérivés spéculatifs au petit déjeuner. Une troupe d'espions mi-français mi-russes cherchent à s'introduire dans sa banque, pour cibler l'oligarque russe propriétaire. La CIA est également sur le coup, tout comme le FSB, et chacun veut sa part du gâteau. Quoi de pire qu'un coup de foudre amoureux au milieu d'une telle nasse ?
Le film d'espionnage est bien foutu. Complexe, à tiroirs, parfois en lévitation, parfois imprévisible, il surprend jusqu'au bout. Particulièrement en refusant trop de simplisme, et en multipliant les personnages de Moscou à Monaco, en passant par Londres, Bruxelles et Langley. Un vrai panier de crabes polyglotte, sans pitié, où l'on ment comme l'on respire.
Mais ce qui le met d'autant plus en valeur, c'est évidemment cette romance impossible qui vient compliquer encore plus le tout. En choisissant de se risquer sur le terrain très casse-gueule du coup de foudre chez les espions, Eric Rochant prend des risques et les assume. Avec réussite souvent, dans ces scènes de contacts et de rendez-vous manqués où les deux héros manquent d'un cheveu de se faire repérer. Avec moins de goût parfois, en allongeant par exemple des scènes de sexe pas forcément très inspirées...
Mais le film a de la gueule : de beaux décors, une mise en scène élégante, quelques personnages mystérieux, ce qui en fait plutôt une bonne pioche malgré de nombreux problèmes, dus principalement au montage d'un tel projet.
Forcé de ramener des stars pour boucler son film, Rochant se retrouve affublé de deux rôles principaux...dont aucun ne parle sa langue maternelle correctement (en l'occurrence, le russe et l'anglais). Ce n'est qu'un détail, mais il est représentatif de deux erreurs de castings. Là où deux beaux inconnus auraient pu nous faire croire au film, c'est bien Jean Dujardin et Cécile de France qui sont aux manettes, leur talent leur permettant souvent de surnager, mais pas assez pour nous faire croire que l'ex OSS-117 est le cousin caché de Viggo Mortensen dans les Promesses de l'ombre (tatouage compris). Alors que Tim Roth, qui fait une amusante imitation de Roman Abramovich, est crédible de bout en bout.
Si l'on ajoute à celà une fin d'une très grande bêtise, on comprend que beaucoup de concessions ont probablement été nécessaires pour monter le film. Des concessions qui ne le dénaturent pas complètement, mais qui lui font quand même descendre plusieurs étages...
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