Pina Bausch est décédée en juin 2009. Le film qu’ambitionnait de réaliser Wim Wenders sur la chorégraphe est devenu un film pour la chorégraphe, un hommage, une manière de perpétrer son héritage et faire connaître son œuvre. Auteur de films immenses dans les années 80 (dont le chef d’œuvre absolu Paris Texas), Wenders peine aujourd’hui a retrouver son aura de cinéaste majeur, mais se trouve une seconde jeunesse dans le documentaire. Après le succès mondial de Buena Vista Social Club, c’est cette fois à un art plus confidentiel, moins populaire qu’il a choisi de se consacrer.
Mais pour un art aussi décalé, le réalisateur a bizarrement choisi un traitement extrêmement conventionnel : des extraits de spectacles crées par l’artiste entrecoupés par des témoignages en voix-off des membres de sa très cosmopolite compagnie, qui passent les uns après les autres pour dire tout le bien qu’ils pensaient de cette très grande artiste. Jamais Wenders ne cherchera à pousser les portes de cet étrange théâtre, ou de comprendre les relations pour le moins ambigües entre Pina et ses danseurs au delà du déclaratif recueilli. Il s’agit bien ici de 2 heures de danse contemporaine (bien) filmée, ni plus, ni moins. Si il semble évident que les fans vont adorer, quid des profanes ? Ils ont quand même quelques bonnes raisons de se laisser tenter.
D’abord à cause de la singularité des chorégraphies et de l’œuvre projetée : c’est long, complexe, mais intriguant, particulier, parfois drôle, souvent surprenant. Même pour quelqu’un peu sensible à ce genre d’art, il faut avouer que l’utilisation des corps et des mouvements est souvent inattendue, belle et originale. Ensuite pour l’utilisation intelligente de la 3D : c’est simple, il s’agit du premier film depuis Avatar qui justifie le fait de mettre des lunettes sur le nez. Le fait de capter les reliefs et les profondeurs de champs donne à ces chorégraphies une force supplémentaire que l’on aurait jamais pensé trouver dans une salle de cinéma. Enfin parce que la beauté des images renforcée par le relief égaye agréablement ces deux heures de danse, en particulier à travers l’utilisation de magnifiques plans extérieurs à Berlin, où la danse prend toute sa force et tout sa justification.
Il n’est pas exclu pour le public non averti de piquer du nez de temps en temps, mais la beauté assez inédite de l’ensemble mérite que l’on s’y arrête.