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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 07:46

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Le débat saisit parfois le petit monde de la critique et de la cinéphilie : quelle est la limite entre le geste artistique et le vide ? Comment un film qui transporte un auditoire peut-il en excéder totalement un autre ? Tout film radical dans son développement artistique doit-il être considéré comme digne d’intérêt ? Le dernier film de Lynch en date (l’abominable Inland Empire) avait déjà posé ces questions. L’an dernier, c’était la Palme d’Or qui méritait un débat de ce type. Il y a quelques semaines, l’exceptionnel voyage de Nuri Bride Ceylan en Anatolie pouvait aussi rentrer dans cette catégorie. Et aujourd’hui donc, ce Cheval de Turin, bardé de récompenses et de lauriers critiques. Alors : chef d’œuvre ou arnaque ?

 

Tout d’abord, chaque spectateur qui aura l’audace de se risquer en salle doit savoir ce qui l’attend. Plus de 140 minutes de noir et blanc, quasiment sans dialogues, dans une masure perdue au fin fond de la campagne. Deux personnages principaux et quasiment uniques, ainsi que leur cheval. Six journées de leur vie, qui se répètent de manière entêtante autour de leur cérémonials de lever, déjeuner et coucher. Et c’est tout, rideau. 

 

L’ensemble cherche délibérément à être un geste artistique sans concession. L’objectif semble être d’enfermer le spectateur dans une forme de folie qui prend peu à peu racine dans la tête des personnages principaux. Mais, si le vide sidéral de l’ensemble interpelle pendant les premières dizaines de minutes, il provoque rapidement chez le spectateur (même le plus patient) un sentiment de gêne, qui se transforme en souffrance puis en énervement à mesure que le film avance sans but, sans enjeu, sans évolution.

Rien ou presque ne bouge, quasiment rien n’a l’air digne d’intérêt dans l’univers que décrit Bella Tarr, et pourtant, il décompose chaque scène, chaque mouvement,  le répète à l’infini jusqu’à l’épuisement. On en vient à guetter ses tics de mise en scène, ces longs plans qui terminent sur une vue fixe d’une porte, ou d’une tête de cheval, appuyés par une musique (une seule partition, évidemment) répétitive et lassante. Epouvantable. Une forme avancée de cinéma du rien, qui laisse chacun y voir ce qu’il veut y mettre, mais qui ne cherche jamais à développer des situations, à créer des personnages ou à accompagner son public quelque part. Bienvenue dans la tête d’un réalisateur qui souhaite faire partager au monde sa vision destructrice et très personnelle de l’apocalypse, même si cela consiste à vous enfermer dans une masure sordide pendant plus de 2 heures. 

 

Cela dit, le film présente quelques avantages. Cela laisse un peu de temps pour penser à la liste de courses, aux coups de fils qu’on doit passer, ou encore d’observer les éclairages de secours de sa salle de cinéma. C’est également une excellente occasion de tester sa résistance à l’endormissement, qui frappe impitoyablement tout spectateur n’ayant pas 8 à 10 heures de bon sommeil derrière lui.

 

Certains parlent d’une œuvre magistrale qui décrit la folie, d’autres l’enfermement, d’autres encore l’apocalypse. Pour aller dans leur sens, je pense qu’on ne s’est rarement autant senti proche de l’enfer sur Terre, et que rarement la lumière de la sortie de salle n’aura été accueillie avec une telle bénédiction. Un grand moment de masochisme cinématographique, qui semble plaire même au-delà du Triangle des Bermudes de la critique. Mais il faut décidemment aimer se faire mal. Très mal.

 

 

 

 

 

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