Dans une fratrie, il y a parfois le petit frère bizarre que tout le monde aime bien. Dans la vague des grands réalisateurs américains qui ont émergé à Hollywood dans les années 90, Spike Jonze est assurément celui-là.
Loin des rêves de grandeurs de ses collègues Tarantino, Anderson (Wes et Paul Thomas), Fincher ou encore David O'Russel, le modeste clippeur n'a jamais vraiment surfé sur la vague de son premier film aussi original que délirant : Dans la Peau de John Malkovich.
D'où un réel plaisir de retrouver ce cinéma à la fois accessible et très sophistiqué. Très profond et pourtant presque banal d'apparence.
A quelle époque se situe-t-on ? Pas très loin de nous c'est sûr, mais quand même pas tout à fait à notre époque.
Les pantalons remontent trop haut, les jeux vidéos sont frappants de réalisme en 3D, et surtout, les systèmes d'exploitation sont devenus si intelligents que tout peut se commander par oreillette Bluetooth.
Solitaire et déprimé par l'échec de son mariage, Theodore se laisse conquérir par la dernière version de l'OS, qui s'adapte sa personnalité. La voix est chaude, sensuelle, suave, c'est celle de Scarlett Johanson.(coup de génie) Elle est d'abord une assistante très efficace, puis c'est un peu plus.
Puis c'est beaucoup plus, quand Theodore assume avoir une relation exclusive avec cet être numérique qui le comprend mieux que personne...
Sans faire ni dans la morale, ni dans l'anticipation lourdingue, le film surfe tranquillement sur des thèmes incroyablement actuels.
La solitude de l'homo Sapiens dans une société qui brille de mille feux et dans laquelle l'hyper communication ne résout pas tout. Malgré ce confort, cette lumière, (magnifique photographie), plus personne ne se regarde dans les couloirs du métro. Le refuge assumé et constant dans monde numérique qui s'adapte, évolue, répond instantanément aux besoins et aux envies.
Ca pourrait être douloureusement moralisateur, c'est beau et profond. Réel.
Spike Jonze n'enfonce pas des portes ouvertes, il décrit avec tendresse et patience la trajectoire d'un homme seul qui cherche par tous les moyens à exister en dehors de sa seule personne.
Malgré quelques longueurs, le charme absolu du film fonctionne à plein régime, sa mélancolie emportant tout sur son passage, et donne lieu aux scènes d'adieu digitales aussi déchirantes qu'inattendues.
Spike Jonze a réussi, on croit cette impossible romance, sans juger, sans y mettre la distance méprisante qu'un tel sujet pouvait appeler.
Car le réalisateur a l'intelligence de ne pas chercher à répondre à la question : est-ce fascinant ou déprimant ? Et est-ce notre futur ?
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