Il a atterri sur nos écrans ce Noël auréolé d’une réputation flatteuse, probablement bien entretenue par un distributeur qui balance les quotes plein l’affiche. Une histoire de maitre et d’élève. Un petit batteur accrocheur qui se retrouve dans l’orbite d’un impitoyable prof sadique, qui va le pousser à bout. Pour son bien, pour la performance, pour la beauté de la musique.
Le numéro est assez familier : acceptation, dépression, puis rébellion. Plus le mentor psychopathe pousse le petit gars, plus celui-ci s’enfonce dans sa propre folie jusqu’à exploser. Et nous allons le regarder se faire couper en rondelles avec une part de voyeurisme et de perversité même pas cachée. Avec un certain plaisir, presque, surtout que le grand méchant loup, c’est l’inimitable JK Simmons, grand acteur, impeccable du début à la fin, dans le sadisme et la folie.
Le réalisateur Damien Chazelle ne se démonte pas, et explore son concept en tirant du héros tout ce qu’il compte de larmes, de sueur et de sang, jusqu’à en recouvrir physiquement la batterie. C’est assez fort, suffisamment pour capter l’attention et instaurer une tension à couper ou couteau.
Mais ce Full Metal Jacket musical (la comparaison saute aux yeux) n’est pas le coup de poing annoncé. D’abord parce que L’efficacité indéniable de Damien Chazelle derrière la caméra ne parvient pas toujours à cacher ses faiblesses d’écriture (les retards répétés ne sont pas crédibles, les personnages secondaires sous-écrits), et que sa belle mécanique tourne parfois à vide, et en mode « repeat ».
La première mise en route de l’orchestre est parfaitement mise en scène. La deuxième est agréable, avec les mêmes effets. A la dixième, on se lasse quand même un peu. D’autant que le film n’a pas grand-chose à dire passé l’acceptation masochiste de l’élève face au maitre, et l’émulation un peu facile dont ce dernier fait preuve pour motiver les troupes.
Beaucoup plus intéressant, ce qui se passe en dehors : un père désemparé, une petite copine insultée, des amis qui disparaissent. Jusqu’à une scène finale assez intéressante, mais que le réalisateur tire inutilement en longueur, comme pour surligner au marqueur les souffrances physiques de son héros-martyr.
Alors beaucoup de bruit pour rien, non. Mais ce petit film indé ne ramènera probablement pas des oscars à la pelle comme on a pu le lire il y a quelques semaines. Les Golden Globes l’ont d’ailleurs oublié (à l’exception de JK Simmons).Pas sûr qu’on s’en souvienne si longtemps…
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Car JC Chandor, en plus d’être un scénariste doué, est également un réalisateur passionnant. Par son utilisation des décors naturels d’un New-York qui semble maintenant préhistorique, par la précision chirurgicale de sa mise en scène, par ses incroyables scènes d’intérieur (avec une lumière sublime), le réalisateur réussit un film d’une élégance rare.
Un réalisateur ambitieux, une intrigue tordue, une lumière fascinante, de très grands acteurs. Une certaine vision du classicisme américain qui fait plaisir à voir.
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