Un film avec Jim Carrey et Ewan McGregor, impossible à distribuer aux Etats-Unis ? Oui, quand ce film traite de l’homosexualité de façon réaliste, cynique, et surtout… directe. Pas de sous-entendus, pas de délicate histoire d’amour pudique à la Brodeback Mountain : on est dans le monde des grandes folles de Miami, du bling bling et des parties de jambes en l’air débridées dans les cellules ou dans les chambres conjugales. Merci à Luc Besson, qui a semblé (pour une fois) parier sur l’audace et sur l’originalité, et qui a permis que le film fasse son chemin jusqu’au salles.
Steven Russel décide, suite à un accident, de révéler son homosexualité et de la vivre pleinement. Pour satisfaire ses envies de luxe et entretenir ses conquêtes, il devient un pro de l’arnaque à l’assurance, à la carte bleue, aux chèques…Rattrapé, il se lie en prison avec un délicat petit mec dont il tombe follement amoureux : Philip Morris. Mais une fois sortis, Steven ne peut s’empêcher de reprendre le cycle arnaque – prison – évasion…
On doit reconnaître au film une qualité principale : son culot monstre. A la manière d’un bon film indépendant, le scénario démonte à peu près tout ce qui fait l’American way of life et tire à boulets rouges sur l’administration pénitentiaire, la religion, la famille modèle et, cerise sur le gâteau, l’état du Texas. Jusqu’ici, ce n’est pas forcément totalement subversif, sauf que montrer deux acteurs très connus, dont une superstar du box-office, en train de se faire des gâteries dans une cellule où se rouler des galoches en gros plan, c’est osé et très rafraichissant. Gloire à Jim Carrey, donc, qui ne contente pas de compter ses millions et jouer dans des blockbusters à grimaces, mais qui continue à prendre de vrais risques avec son image pour monter des œuvres hors des sentiers battus. Un artiste plus qu’un bête prestataire de service. Il rappelle au passage qu’il peut être en plus un acteur fabuleux. En face, Ewan McGregor n’est pas mal non plus dans un rôle délicat, presque féminin.
Le générique affirme (deux fois) que l’histoire est vraie. On a du mal à y croire tant les arnaques et les péripéties paraissent énormes, l’arnaqueur de haut vol étant d’ailleurs un personnage de cinéma très classique, surtout quand les événements sont réels. De ce côté-là, le film remplie bien son contrat en déroulant une liste impressionnante d’escroqueries. C’est assez drôle et plutôt bien enlevé, même si l’histoire perd peu à peu en originalité après une première demi-heure démente dédiée au coming-out. Cela nous emmène vers une deuxième partie de plus en plus répétitive où le cycle arnaques-prison-évasion peut finir par lasser. Mais le twist final et l’ultime rappel à la réalité permettent de passer outre ces défauts et faire de Philip Morris un divertissement drôle et original, ce qui n'est déjà pas si mal...