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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 11:00



Les kidnappings sont probablement les sujets les plus chauds qui sont traités par l’actualité. Pas de ceux qui ont le plus de répercussion sur le cours de l’histoire, mais ceux qui touchent le plus car ils font se croiser la liberté, la violence, l’argent, la mort, la famille, que ce soir un riche héritier, un journaliste ou un politique. Et à chaque fois, c’est ce qu’il se passe à l’extérieur qui en dit long, plus que ce qui se passe à l’intérieur.

Stanilsas Graff est un des plus fameux capitaines d’industrie français. Il déjeune avec des ministres, entretient un certain nombre de maitresses qu’il honore dans sa garçonnière chic, et perd des sommes folles au poker avant de rentrer chez lui tard pour embrasser son épouse et ses deux filles modèles. Mais un jour, un commando l’enlève en plein Paris et réclame une rançon considérable. Tout le monde politique, économique et médiatique est sous le choc, pendant que Stanislas croupit dans une grotte.

On aurait pu s’attendre à une charge violente et diabolisante contre les ravages du vilain capitalisme, la révolte des petits contre les grands ou encore un film exutoire où l’on voit un méchant patron prendre une bonne leçon . Il n’en est rien. Le film est beaucoup plus intelligent que cela, et n’utilise le monde des affaires que comme un décor pour poser le véritable centre d’intérêt du film : le basculement de la vie d’un homme dans le cauchemar. Un homme qui va retrouver privé de toutes ses libertés, d’abord par la force puis ensuite par une société qui a un besoin maladif  de tout fouiller, tout savoir et tout juger. Toutes les cloisons qu’il avait consciencieusement bâties entre sa vie publique, sa vie familiale vont voler en éclat. Pendant qu’il vit l’enfer à l’intérieur, tout son monde s’écroule à l’extérieur. Deux films se traitent alors en parallèle.

Coté pile, le thriller, le récit sombre de la captivité et des relations qui se créent inévitablement entre le prisonnier et ses geôliers, puis les remises de rançons sous haute tension. Lucas Belvaux se montre d’ailleurs aussi à l’aise pour développer des scènes choc dans des environnements confinés (la cellule) que dans des grands espaces (rocambolesque poursuite entre l’autoroute et le TGV)  

Côté face, la description d’un monde politico-économique en émoi, entre bureaux de ministères et conseil d’administration, où chacun cherche surtout à préserver sa propre image et à sauver sa peau : les ministres se couvrent (« on va nous reparler des parachutes dorés), les administrateurs s’inquiètent pour leur commission (« il faut préserver l’image de l’entreprise ») et la famille se fissure devant les révélations sur la vie privée du père pas très modèle et du mari volage. Pour finir, le héros se retrouve obligé de se justifier sur sa vie, ses choix, ses activités, ce qu’il fait de son argent, comment il vit sa vie : scène frappante et glaçante, où Graff envoie paître sa famille pour réclamer son droit à la liberté. La réussite du film doit d’ailleurs beaucoup à Yvan Attal et Anne Consigny, que je n’ai jamais trouvé renversants dans d’autres contextes, et qui sont ici absolument incroyables de pudeur et de justesse. Lucas Belvaux confirme qu’il est bien un très grand directeur d’acteur, en plus de maîtriser parfaitement la caméra, le montage et le tempo. A l’arrivée, un film étonnant qui fait avec brio la synthèse entre un thriller très réussi, un film politique passionnant, et une comédie dramatique poignante. Une semaine après A l’origine, l’ambition et le talent d’un certain cinéma français fait plaisir à voir…


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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 12:50



A l’origine, il y a un escroc. Pas un virtuose de l’arnaque, pas un braqueur de casino à Vegas, un simple escroc un peu minable qui écume les villes du Nord pour récupérer du matériel de chantier qu’il revend au noir. Et puis un jour, il s’arrête dans une ville encore très marquée par l’arrêt d’un chantier d’autoroute tout proche. Les habitants croient que la société de construction a envoyé quelqu’un pour reprendre les travaux, ils l’accueillent comme un roi, avec les repas, les réunions…et les pots de vins. L’escroc se prend au jeu et relance tout seul le chantier…

Ce fait divers assez hallucinant s’est réellement passé, et il sert de matériau au nouveau film de Xavier Giannoli. Mais celui-ci à l’intelligence et la finesse d’aller beaucoup plus loin que la simple chronique de fait divers. Le film est riche, très riche, traite beaucoup de thèmes et de problématiques, sans oublier d’être surprenant et même parfois passionnant. Le cadre, d’abord : ce Nord pauvre et sinistré, où beaucoup de gens se débattent avec un taux de chômage trop élevé et une misère sociale et affective omniprésente. Dans cet endroit, qui a été abandonné par les entreprises et par l’état, on est prêt à tous les sacrifices pour accueillir à bras ouverts n’importe quelle personne qui apporte un semblant d’espoir. Ironie ultime, c’est la Maire du village qui se plaint des trahisons et des délocalisations sauvages, qui déroule le tapis rouge au nouvel escroc qui va se servir de la ville et de ses entreprises. Constat social et politique sévère, mais qui va être balayé par l’énergie incroyable qui va se créer autour du nouveau projet : tout le monde met la main à la pâte, la ville est en branle-bas de combat, et l’escroc devient un héros malgré lui. C’est là que le film d’arnaque bifurque vers quelque chose de beaucoup plus profond : le petit mec minable devient un chef de chantier, il est aimé, respecté, et il en oublie presque que tout cela est complètement irréel. Dans cette douce folie, il ne parvient plus à s’arrêter et, au fur et à mesure que son entreprise tombe en lambeaux, lui y croit de plus en plus. Le besoin de reconnaissance et le besoin des autres en général qui passe avant l’arnaque et le pognon : le message est simple, mais tellement bien illustré qu’il passe tout seul. Et dans ce cadre gris et triste, certaines scènes sont à la limite d’onirisme, quand tous les engins de chantiers offrent un défilé au nouveau héros local, où quand celui-ci loue des installations immenses pour éclairer le chantier, et finir le travail à temps avant que tout ne s’arrête.

Le film est donc passionnant, très bien filmé mais surtout parfaitement interprété. Si François Cluzet, dans le rôle principal, reste volontairement transparent et fantomatique, il est entouré par une magnifique galerie de seconds rôles. Stéphanie Sokolinski et Vincent Rottiers en jeune couple à la limite de la rupture crèvent littéralement l’écran, et Emmanuelle Devos est une fois de plus magnifique, dans un rôle pourtant très commun au départ. Même si le film souffre de quelques longueurs dans la dernière partie, le retour final sur terre est à la fois difficile, beau, tragique et totalement dingue. La scène de confrontation avec le directeur de la vraie entreprise de construction, complètement ébahi par cet hurluberlu qui lui annonce avoir construit deux kilomètres d’autoroute, est extraordinaire. « Et elle va ou cette autoroute ? » lui demande-t-il « Je ne sais pas » répond le héros. 

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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 21:17



Un film événement à double titre : le dernier film de Heath Ledger et celui devant théoriquement signer le grand retour de Gilliam. L’acteur, décédé en cours de tournage, a été remplacé pour certaines scènes seulement par un trio d’acteurs pour lequel n’importe quel cinéaste se couperait un bras (Johnny Depp, Colin Farrel et Jude Law). Restait à incorporer correctement cette substitution dans l’histoire, ce qui est plutôt bien fait. Quand à Terry Giliam, ce film devait être celui du renouveau pour une carrière qui, bien qu’émaillée d’un certains nombre de films cultes (Brazil, Fisher King), avait tendance à battre sérieusement de l’aile ses dernières années, entre les annulations de tournage et les explosions de budgets répétées...

Le professeur Parnassus trimballe son vieux théâtre de rue de ville en ville, aidé par sa fille et deux compagnons. Des années auparavant, en échange de l’immortalité, il a accordé au diable la vie de sa future progéniture, quand celle-ci aurait atteint l’âge de 16 ans. Rongé par le remords, le vieux docteur se morfond alors qu’approche la date fatidique, quand un mystérieux inconnu se joint à la petite troupe…

L’histoire peut paraître simple, elle n’est surtout qu’un prétexte pour le réalisateur qui cherche à traiter de ses thèmes de prédilection : l’imaginaire, la force du rêve, le détachement de la réalité. Car le vieux théâtre du docteur possède un miroir qui vous permet d’un coup de basculer directement dans votre imaginaire. Jamais très loin de l’univers des contes, Giliam recycle donc de concert Alice au pays de merveilles et le mythe de Faust, avec des allers retours entre un côté du miroir (le Londres des forains et des clochards de nos jours) et l’autre (l’imaginaire survolté, coloré, totalement délirant de chaque personne).

On peut trouver beaucoup de défauts au film : la narration est hachée et les développements de l’histoire sont bien confus. Mais Gilliam n’a jamais fait preuve d’un grande maitrise narrative (à l’exception notable de l’immense Armée des 12 singes), et met le paquet sur les personnages atypiques, l’ambiance visuelle, les décors .Le problème, c’est qu’à force de planter des films à gros budgets, on sent bien qu’on ne lui a laissé qu’un investissement limité cette fois-ci, et ça se voit franchement à l’écran, certains effets spéciaux étant vraiment très cheap. Difficile à suivre, inégalement rythmé, et visuellement inabouti, le film ressemble donc parfois un peu à un brouillon.
Mais ces défauts sont loin de gommer complètement le plaisir réel qu’il donne parfois avec une originalité totale et assumée, quelques très belles scènes de cinéma en particulier à l’intérieur de l’Imaginarium, et puis ce casting de rêve. Au delà des quatre stars qui sont aussi bons que d’habitude, les deux vieux de la bande crèvent littéralement l’écran grâce aux formidables Christopher Plummer (le docteur) et Tom Waits (le diable). Pour finir, cette énergie, cette poésie, et ses grands acteurs qui défilent donnent à ce film pourtant vraiment pas fini une énergie irrésistible, qui nous fait nous évader deux heures durant et qui nous fait presque regretter le monde triste et chiant dans lequel on revient quand on sort de la salle. 


 
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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 22:27




Burt et Verona, la bonne trentaine, habitent au milieu de nulle part dans une petite ville qu’ils n’aiment pas particulièrement. L’arrivée future d’un bébé combinée au départ à l’étranger de leurs parents les pousse sur les routes des Etats-Unis et du Canada, pour trouver l’endroit idéal pour y fonder une famille. Evidemment, la route est pleine de rencontres et d’expériences...

C’est assez étonnant de de la part de Sam Mendes (American Beauty), réalisateur parfois maladroit mais toujours extrêmement ambitieux dans ces sujets et la manière de les traiter, de s’être s’intéressé à ces deux personnes désespérément normales. On reconnaît quand même son goût pour la description de la vie familiale américaine, mais à travers un scope beaucoup plus consensuel que d’habitude. Un petit road movie donc, pour nos deux tourtereaux, découpé en plusieurs chapitres illustrant chacun un lieu où ils s’arrêtent en chemin pour retrouver des amis ou de la famille. Chaque expérience est sensée les éclairer sur leur couple, leur future famille et la façon dont il ne faut pas vivre sa vie. Chaque couple rencontré a ses défauts, a mal tourné quelque part en chemin, a raté quelque chose avec ses enfants. Si le cinéma de Sam Mendes n’est définitivement pas le plus joyeux du monde, il semble se contenter cette fois-ci d’illustrer une simple histoire tranquille. Comme si le réalisateur, éprouvé par son précédent film (les Noces Rebelles) d’une violence psychologique glaçante avec d’immenses acteurs à fleur de peau, avait voulu prendre quelques vacances au pays des Bisounours avec une flopée de comédiens inconnus

Rythme pépères, histoire pépère, acteurs pépères : tout est calme, posé et relaxant. Même les descriptions volontairement caricaturales des différentes familles visitées n’est jamais très violente, plutôt gentiment aigre. Seule exception : l’exceptionnel numéro de Maggie Gyllenhaal et de sa famille de bobo-écolo totalement frapadingues, qui mènent une véritable croisade contre …les poussettes. A part cet éclair, on se laisse bercer tranquillement par une bande originale pop très réussie, et par nos deux héros décidemment irréprochables, mais quand même un peu trop lisses pour être vrais. Jusqu'à cette fin qui dégouline de bons sentiments, mais à laquelle on succombe quand même...

On sourit beaucoup, on rit même parfois, et on ressort de ce film comme on ressort d’une bonne sieste : reposé, assagi… mais en ayant oublié tout ce qu’il vient de se passer les deux dernières heures.

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11 novembre 2009 3 11 /11 /novembre /2009 20:33




Beaucoup connaissent Donnie Darko, film étrange et fantastique (dans tous les sens du terme), qui avait beaucoup plu à sa sortie. Peu de gens se rappellent de son réalisateur. Il faut dire qu’à trente ans passés, Richard Kelly porte déjà l’encombrant statut de réalisateur maudit, suite à la bérézina invraisemblable de son deuxième film Southand Tales, qui a réussi la performance assez rare de combiner un budget de blockbuster, une sélection en compétition à Cannes… et une humiliante sortie directement en DVD au vu d’un résultat original, mais paraît-il totalement imbitable. Il faut croire qu’il a gardé une certaine aura à Hollywood puisqu’il a réussi à se faire confier un film de commande, avec une star (Cameron). Pour faire un film standard ? Bien sur que non…

Années 1970. Norma, son mari et son fils vivent une vie normale parmi des gens normaux. Un jour, un inconnu dépose une boite munie d’un unique bouton devant leur porte. L’homme revient le lendemain et leur propose un marché : si ils appuient sur ce bouton, quelqu’un dans le monde mourra, et ils toucheront 1 million de dollars.

Cela commence comme une chronique de vie banlieusarde d’il y a 40 ans : le bus scolaire, le pavillon, les fêtes de famille. Un american way of life triomphant et par encore en crise, des policiers débonnaires, des bons maris et des femmes épanouies. Sauf que le rêve est de courte durée avec l’arrivée de cette boite, à première vue inoffensive, mais qui va faire basculer petit à petit le récit dans le fantastique. Il faut entendre fantastique au premier sens du terme : l’irruption progressive de l’irrationnel dans un ensemble tout ce qu’il y a de plus réel. En plus de déclencher des événements hors normes, cette simple boite va permettre de gratter le vernis de ce monde un peu trop polissé. Le film se joue à beaucoup de niveaux, ouvre beaucoup de pistes, sûrement un peu trop. On peut s’il n’est pas parfois victime de sa propre ambition : en réalisant de multiples circonvolutions autour de cette boite, l’œuvre peine parfois à trouver une cohérence à force d’ouvrir des portes et de ne pas les refermer. Mais on se plaint tellement souvent de la pauvreté scénaristique et thématique des films (en particulier à gros budgets) qu’on serait mal inspirés de faire trop longtemps la fine bouche : le film n’est pas parfait mais il est passionnant, cérébral, et parfaitement réalisé. Et les questions posées percutent : se passerait-on de crime si l’on avait l’assurance de s’en tirer ? Qu’est ce qu’on est prêt à faire pour se mettre à l’abri du besoin, pour protéger sa famille ?

Richard Kelly confirme en plus qu’il sera peut-être un jour un très grand réalisateur : ces grands plans fixes et ces ambiances morbides rappellent à la fois le Lynch de Twin Peaks et le Kubrick de Shining,  rien que ça. Kelly n’est pas encore au niveau de maitrise formelle et narrative de ses deux illustres aînés, sa mise en scène est encore perfectible, mais elle est plaisante et sophistiquée.  Et il sait diriger des acteurs : Cameron Diaz, très crédible, n’a rarement été aussi bien, aidée par un formidable Franck Langella , grand acteur qu’on redécouvre après son rôle de Nixon l’an dernier. Alors même si tout cela est parfois un peu confus et hermétique, ce thriller-philosophico-fantastique mérite le détour

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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 08:04



Alain Resnais n’est plus un perdreau de l’année. Il n’a plus grand-chose à prouver dans un paysage cinématographique français où il fait figure d’arrière-grand-père, mais l’arrière-grand-père a encore une patate d’enfer, et se permet touts les écarts dans son dernier film. A la manière d’un petit vieux qui perd toute tenue et tout contrôle quand il n’a plus rien il perdre, il livre un film qui tient plus de l’expérience et de l’OVNI que des grands classiques qui l’ont parfois précédé.

Un incident à Paris est le départ de tout. Près d’un magasin, Marguerite se fait voler son sac à main. Le portefeuille quasi vidé est retrouvé par Georges, qui cherche à lui rendre. L’histoire pourrait s’arrêter là mais Georges se retrouve bizarrement attiré par Marguerite, quinquagénaire originale et délurée. Georges lui-même semble être un gars un peu louche...

Plus qu’un titre, les herbes folles est une thèse. Resnais essaie de louer tout le long de son film les comportements qui sortent de l’ordinaire, les poussées de folies salvatrices dans des vies bien rangées. Et assène son message en filmant ces herbes folles qui trouent le béton monolithique. André Dussolier et Sabine Azéma incarnent admirablement ces personnages borderline, mystérieux, gênants, intriguants. Avec eux, le moindre des moments de la journée peut devenir une aventure.  Le début du film est à ce titre prometteur : les personnages sont décalés, les situations sont burlesques et les acteurs s’amusent comme des fous. Nous aussi pendant un moment, jusqu’au point où le film n’apporte plus rien de neuf, où l’histoire se met à tourner à rond. On est parfois dans un grand délire, mais on est souvent dans une œuvre totalement abstraite, qui lasse de plus en plus à force que les minutes s’égrènent. Jusqu’à ces plans finaux où l’on ne comprend finalement plus rien.  Il faut peut-être des références supplémentaires pour pénétrer l'oeuvre, il faut sûrement être totalement fantaisiste...il faut surement beaucoup de choses, mais je suis resté sur le carreau.

La mise en scène est brillante comme jamais, mais comme le reste, elle se met à tourner à vide dès que l’histoire n’a plus grand-chose à dire. On ne pourra pas reprocher à Resnais de faire des films comme les autres, mais on pourra lui en vouloir un peu de ne pas avoir su cadrer davantage son imagination débordante et ses envies de cinéma. Prendre le spectateur à contre-pied, c’est bien. Perdre les trois quarts de la salle en route, c’est quand même fort dommage pour un monsieur de sa trempe.

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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 08:23




Le monde a changé. Les humains ne sortent plus de chez eux, et se content de guider directement des substituts d’eux-mêmes depuis leur canapé. Ces clones robotisés, plus beaux, plus forts et surtout sans danger pour leur utilisateurs, ont fait chuter le taux de criminalité, les maladies et permettent à tout à chacun de se fabriquer une apparence sur mesure et de ressentir tous les frissons de la vie en restant paisiblement chez soi.

Le monde a changé mais pas les films d’action avec Bruce Willis...Pourtant, loin des sujets bateau auxquels il nous a habitué, le principe de départ est surprenant, excitant, passionnant et ouvre la voie à toutes sortes de réflexions, sans parler des possibilités scénaristiques infinies. On pourrait nous emmener vite dans le monde des fantasmes les moins avouables : à quoi ressembleriez-vous si vous pouviez façonner  votre propre image ? Quel serait votre comportement de tous les jours si vous ne risquiez absolument rien ? Vous choisiriez d’être un homme ou une femme ? De quoi alimenter à la fois une réflexion poussée et un scénario d’enfer. Un sujet dont Spielberg, Fincher ou encore Verhoeven auraient fait un formidable film de science-fiction.

Mais voilà, ils ne devaient pas être très disponibles à l’époque, donc les producteurs ont fait appel au pâle Jonathan Mostow pour emballer tout ça. Et pour emballer, il emballe : 1H24 chrono de film d’action bien lisse avec les quelques scènes d’action réglementaires, de la tôle froissée, deux ou trois belles nanas dans le champ, un chagrin d’amour, quelques seconds rôles exotiques et une lumière et des décors qui se la jouent Minority Report (sans y parvenir une seconde…) pour rappeler qu’on connaît bien ses classiques. On ajoute un scénario d’enquête policière à tiroirs déjà ouverts trente fois sans grande surprise, on va chercher un Bruce Willis en mode très mineur et on se retrouve avec un film packagé, plutôt rondement mené mais totalement prévisible. Seul effet un peu original : le décalage entre les corps et visages parfaits des clones et les modèles « humains » obèses, abimés, fantomatiques.

Ce n’est finalement pas ennuyeux, c’est même très occasionnellement surprenant, mais le réalisateur semble décidé à honorer tous les poncifs du genre, entre le prologue catastrophiste, le gourou rasta des rebelles au système (Ving Rhames avec des dreads, ri-di-cule…) ou encore la très vilaine firme qui contrôle tout et qui veut tous nous tuer. De part son scénario simpliste et son esthétique cheap, ce film aurait pu sortir il y a une bonne quinzaine d’années. Le problème, c’est que depuis 15 ans, on a vu beaucoup mieux, et sur tous les plans. Ce qui fait mal, c’est de s’imaginer ce que ce film aurait pu être dans les mains d’une équipe un peu plus créatrice, la gamelle XXL du film aux Etats-Unis donnera peut-être aux producteurs matière à réflexion

 

 

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2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 09:25



Jean-Pierre Jeunet est un inclassable, un original, et un réalisateur assez unique. Avec, puis sans son collègue Marc Caro, il a réussi à bâtir une filmographie cohérente et originale, entre science fiction, poésie et fantastique. Auréolé de très grands succès critiques et publics, chacun de ses films est dorénavant attendu au tournant. Et le fait d’inclure Dany Boon dans le projet ne fait pas franchement retomber la pression.

Bazil, dont le père a sauté une mine antipersonnel, est victime d’une balle perdue qui lui perfore la tête. Il survit, mais avec une bombe à retardement dans le cortex, il perd son boulot, et se retrouve à la rue. Avec une bande de joyeux drilles rencontrés par hasard, il se met alors en tête de faire payer la facture aux deux grosses compagnies d’armements responsables de ses malheurs, dirigés par deux patrons rivaux et un tantinet stressés.

Les gentils contre les méchants. Les saltimbanques contre les marchands d’armes. Les petites gens contre les puissants. Ce film ne se veut pas nuancé : à la manière d’un conte de fées, tout y est innocent, naïf, exagéré, et très manichéen. Pourquoi pas.  De plus, Jeunet s’est lancé de difficile défi d’ancrer son film dans la poésie et le rêve, mais aussi dans le réel le plus triste et le plus dur. Les décors fantasques, les personnages décalés, les inventions bizarres sont là comme marque de fabrique du réalisateur. Mais cette fois, c’est aussi dans un Paris très réel qu’il situe son action : les quais de Seine, les brasseries, les magasins, les clochards, et même le siège de TF1 sont clairement mis à l’image. Soit un mélange parfois à la limite de l’acrobatie entre un univers décalé à la Delicatessen et une chronique un peu engagée sur la révolte des petits contre les puissants. On ne peut que saluer l’ambition de départ. Malheureusement à l’arrivée, le film laisse de marbre : on ne ressent aucune excitation, aucune émotion, aucune passion.

La où Amélie Poulain avait fait vibrer des millions de spectateurs avec deux bouts de ficelle, cet opus se laisse regarder tranquillement, mais sans qu’aucune image ne vienne interpeller ou troubler le spectateur enfoncé dans son siège. La faute à qui ? Peut-être à cette mise en scène beaucoup plus sage que d’habitude, un peu plan-plan et parfois sur pilotage automatique. Peut-être à ce montage parfois à la limite du brouillon, qui empile les scènes en prenant des raccourcis un peu limites (Bazil se prend une balle, perd son boulot, devient clodo et se fait adopter par sa nouvelle famille qui l’adore : 10 minutes, montre en main). Peut-être à ce scénario, qui, sous couvert de récit fantastique et naïf, ne développe aucun enjeu majeur, aucune surprise, aucun suspens et dont l’absence de nuance finit par lasser. Peut-être à des personnages qui se veulent profondément originaux et cocasses, mais qui ne tiennent pas la distance surtout quand on se rappelle cette extraordinaire galerie de portraits qu’était Le Fabuleux Destin d’Amelie Poulain. Peut-être à une direction artistique correcte, mais très loin du niveau habituellement atteint par les films de Jeunet. Bref, si tout est propre et correct, rien ne brille particulièrement, rien ne semble sortir de la norme.

Alors on s’amuse quand même un peu avec les deux marchands d’armes hystériques, on rigole doucement des tirades idiomatiques d’Omar Sy, et on se rend compte que Dany Boon peut être un très bon acteur « sérieux » quand il est dirigé. C’est déjà ça, mais pour un film événement, c’est quand même une vraie déception.

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26 octobre 2009 1 26 /10 /octobre /2009 08:21
 


Michael Haneke l’attendait depuis longtemps, sa palme d’or. Après de nombreux accessits, il a enfin accédé à la récompense suprême au dernier festival de Cannes, en grillant la politesse au Prophète de Jacques Audiard, que nombre de festivaliers voyaient déjà consacré. Que la présidente du jury soit Isabelle Huppert, connaissance personnelle et professionnelle du réalisateur, a laissé chacun s’imaginer qu’un peu de favoritisme avait pu s’instiguer dans le jury cannois. C’est oublier que Haneke est un très grand réalisateur et que, même si cinéma est beaucoup moins accessible et flamboyant que celui d’Audiard, il est incomparable.

L’Allemagne du début du XXème siècle, à la campagne. Dans un milieu protestant croyant et fervent, où la famille (très) nombreuse est la norme et où les enfants baissent les yeux quand ils parlent à leurs parents. Dans le village, chacun a sa place et la connaît : l’instituteur s’occupe des enfants,  les paysans vont aux champs, le pasteur règne sur les âmes et le baron règne sur le reste. Mais une série d’accidents vont endeuiller ce petit monde d’habitude si calme et si polissé. Et personne ne semble savoir d’où viennent ces événements dramatiques, qui ne semblent surtout profiter à personne.

Il faut sûrement de l’envie et de la patience pour se laisser entraîner dans un film de deux heures et demie en allemand et en noir et blanc. C’est un très bon exemple de ce qu’on appelle un film exigeant : le plaisir n’est pas forcément immédiat, le rythme est lent, l’histoire de se lit à plusieurs niveaux. Progressivement, cet univers bien rangé bascule dans la violence et dans la folie : on se jamais si on regarde une chronique famililae ou film d’épouvante. Ce qui produit cet effet, c’est ce carcan dans lequel sont enfermés tous ces personnages, la rigueur allemande et protestante dans laquelle leurs vies se développent. Haneke déroule des scènes de la vie de tous les jours naturellement alors que chacune d’elles fait froid dans le dos : des enfants battus pour un retard ou encore des maitresses congédiées avec une violence verbale insoutenable. Le message est limpide : c’est cette rigueur de tous les instants, cette obsession de la pureté et cette obligation de cacher ses sentiments sont le terreau des instincts les plus bas et de la violence la plus folle. Surtout de la part d’enfants dont on ne sait pas trop ils sont finalement coupables ou victimes. Rien n’est simple, ni évident : Haneke est fin, distancié, il n’assène pas son message brutalement, il le distille par petites touches.

Tout cela serait vain sans cette mise en scène, discrète, élégante, qui a rarement été aussi maîtrisée. Malgré une multiplicité des lieux, des personnages et des enjeux, la distance crée par la langue, le spectateur sait toujours où il en est, il faut dire e, plus que tous les personnages sans exception sont parfaitement écrits, et magnifiquement interprétés. Et pour enrober le tout, il y a cette incroyable photo en noir et blanc, à la fois brillante et sombre, qui fait exister cette ambiance de mort de la première à la dernière image. Incroyable dernière scène où l'innocence des chants des enfants se brise à la voix rauque et fataliste du narrateur...

Il faut donc se laisser happer par ce film, qui tient parfois presque plus de l’expérience filmique que du cinéma. Voir un film d’Haneke est rarement un plaisir au sens propre, mais voir un bon film d’Haneke est toujours une expérience inédite.

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23 octobre 2009 5 23 /10 /octobre /2009 08:52
 


Ca devait arriver. Après avoir abimé Largo Winch, défiguré Blueberry et massacré Astérix, le cinéma français s’attaque à une autre de ces légendes. Et pas n’importe laquelle, probablement une des moins évidentes à adapter, car basée sur des intrigues marrantes mais un personnage finalement assez lisse. Il fallait probablement un scénario en béton armé et une bonne dose de talent pour réussir l’exploit. Et malheureusement, le James Huth n’a ni l’un, ni l’autre, comme l'avait déjà illustré son Brice de Nice.
Soucieux (à juste titre) de se décaler un peu du modèle original, le scénario invente donc un personnage convoqué par le président des Etats-Unis pour aller remettre de l’ordre à Daisy Town. Un  personnage hanté par la mort de ses parents et qui a décidé de se mettre au service de l’ordre et de la justice, quand il n’est pas en pleine phase de réflexion intérieure sur le bien et mal. Exit Lucky Luke, donc, et place à un hasardeux croisement entre Jack Bauer (Yes Mister President), Batman (oh non mes parents sont morts, c’est affreux) et OSS117 (y a que moi qui comprend mes blagues). On vient voir une grosse comédie et on passe un temps interminable dans un ranch de campagne avec Chouchou et Loulou et leurs problèmes existentiels. Voilà pour l'amorce, le reste de l’histoire est inintéressante, ultra-prévisible, et fait défiler de manière totalement artificielle des scènes qui ont pour seules fonction de servir d’écrin aux guest venus s’amuser un peu. Pour combler cette incroyable vacuité, le réalisateur se met très rapidement en mode Panzer côté mise en scène : effets sonores à répétition, gros plans à gogo, ralentis foireux, la totale. C’est marrant une fois de filmer une étoile de shérif en gros plan qui tombe dans le sable, c’est pas la peine de le faire 200 fois. James Huth a écrit une comédie dramatique limite bibliothèque rose, qu’il filme comme un épisode de Bugs Bunny, dans des décors à la Sergio Leone sous les hurlements de Michael Youn. C’est peu dire que le mélange est profondément indigeste.   

Au milieu de ce naufrage, c’est probablement Jean Dujardin qui fait le plus de peine. Complètement paumé, il passe tout le film le cul entre les deux chaises du premier et du second degré, sans jamais arriver à saisir son personnage. Et quand il ne sait plus quoi dire, il lâche un « ouaip » pour lequel on sent qu’il a travaillé pendant plusieurs heures devant le miroir. Seules (maigres) consolations, Melvil Poupaud et Sylvie Testud, évadés de leurs habituels films sérieux pour venir déconner un coup et qui ont l’air se bien se marrer. Et puis ces magnifiques paysages argentins sensés recréer l'Utah, seule note de bon goût du film.

Et même si on ne se pose pas de grandes questions sur les causes d’un tel désastre, le résultat est là : on s’ennuie à mourir. Un comble pour un film de divertissement. Rater une adaptation, ça peut arriver, surtout en BD. Mais commettre une horreur pareille quand on est censé livrer un film fun et grand public est quand même beaucoup plus problématique, et pas très loin du foutage de gueule des spectateurs…. qui ne s’y tromperont pas : au vu du remplissage fort clairsemé de la salle après seulement deux jours d’exploitation, le bouche à oreille semble déjà faire des ravages.


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